Politiques & Hauts Fonctionnaires

Le développement durable au sein de l’Éducation nationale

GREEN INNOVATION : De quand date l’engagement du ministère de l’Éducation nationale dans une politique de généralisation de l’éducation au développement durable (EDD) ? Et en quoi consiste-t-elle aujourd’hui ?

Jean-Michel VALANTIN : La première phase de généralisation a été lancée en 2004, la deuxième en 2007 et la troisième et actuelle en 2011. Cette généralisation est fondée sur l’intégration des thèmes, des enjeux et des principes du développement durable dans les programmes d’enseignement, dans les formations des enseignants et des personnels d’encadrement, dans les démarches globales de développement durable des écoles et des établissements, dans la production de ressources pédagogiques, le tout étant soutenu par le partenariat, aux échelles locale, académique, nationale, européenne et internationale.

Cette politique éducative est menée en prenant en compte les grands enjeux du XXIe siècle, liés, par exemple, aux ressources, au climat, à la biodiversité, à la croissance démographique et urbaine, ou à l’alimentation, à la cohésion sociale, à la solidarité internationale et au développement humain. Il s’agit ainsi de former le futur citoyen aux choix complexes qui mettent en jeu le développement durable dans son existence personnelle et dans la société dans laquelle il vit.

GREEN INNOVATION : Vous êtes Haut fonctionnaire au développement durable du ministère de l’Éducation nationale, à la Direction générale de l’enseignement scolaire. En quoi consistent vos missions en matière d’éducation au développement durable ?

Jean-Michel VALANTIN : Je suis le troisième haut fonctionnaire au développement durable du ministère de l’Éducation nationale. Ma mission consiste à la fois à coordonner les différentes dimensions de l’éducation au développement durable au sein du service public de l’éducation, sous l’autorité du Directeur général de l’enseignement scolaire, et à assurer la relation avec nos différents partenaires, que sont les autres services de l’État, dont le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, les collectivités territoriales, les associations, les établissements publics, les centres de recherche et les entreprises.

Ces partenaires, très divers tant aux niveaux national que territorial et local, peuvent participer à des activités de formation, à la production de ressources pédagogiques, à des projets d’académies ou d’écoles, de collèges ou de lycées. Il est très important que les projets des écoles et des établissements scolaires permettent de travailler avec les acteurs des territoires, pour découvrir les territoires, tout en faisant des structures scolaires des espaces d’apprentissage permanent des dimensions matérielles, théoriques et civiques du développement durable.

GREEN INNOVATION : Quels sont les acteurs mobilisés (et mobilisables) pour développer l’EDD au sein des écoles, collèges et lycées ?

Jean-Michel VALANTIN : L’EDD est portée dans toutes les dimensions de la scolarité, de façon à ce qu’elles entrent en synergie. Les programmes scolaires ayant largement intégré ces problématiques, les enseignements, d’histoire-géographie, de sciences de la vie et de la Terre, de physique, mais aussi les enseignements des filières technologiques et professionnelles sont de puissants vecteurs. Il existe aussi de nombreuses actions éducatives, comme des ateliers scientifiques, des sorties scolaires dans le cadre d’un projet, par exemple d’étude de la biodiversité territoriale… Le ministère de l’Éducation nationale promeut aussi les « démarches globales de développement durable des écoles et des établissements scolaires »qui sont fondées sur un projet de développement durable qui établit une synergie entre les enseignements, la vie scolaire, la gestion et la maintenance de la structure scolaire tout en s’ouvrant sur l’extérieur par le partenariat.

Ces projets permettent de travailler avec de nombreux partenaires, comme les associations locales et territoriales, par exemple spécialistes de biodiversité, mais aussi de solidarité internationale. Les partenaires du ministère dans le cadre de l’éducation au développement durable sont les autres services de l’État, les collectivités territoriales, les associations, les établissements publics, les centres de recherche. Dans le cadre des formations technologiques et professionnelles, les entreprises sont des partenaires qui dialoguent avec le ministère quant à l’évolution des diplômes en fonction des nouveaux besoins induits par le développement durable, comme dans le bâtiment, le transport, l’énergie, l’électrotechnique, etc. Le ministère de l’Éducation nationale est aussi membre de l’espace national de concertation pour l’éducation à l’environnement et au développement durable.

GREEN INNOVATION : En 2011, l’Éducation nationale est entrée dans la troisième phase de généralisation de l’éducation au développement. En quoi cette nouvelle phase consiste-t-elle ?

Jean-Michel VALANTIN : La troisième circulaire pour la généralisation de l’éducation au développement durable est parue le 24 octobre 2011. Elle insiste plus précisément sur trois points qui doivent porter cette généralisation : renforcer la gouvernance et le pilotage au niveau académique et des établissements ; élargir les partenariats ; mieux diffuser les informations pour partager les actions mises en place. Elle met en avant l’importance de la transversalité, en rappelant que l’EDD croise, par ses problématiques, les thèmes et les finalités, la formation du citoyen ainsi que les autres éducations transversales, comme le développement et la solidarité internationale et la santé.

GREEN INNOVATION : La Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) ont signé un accord-cadre pour l’éducation au développement durable. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste précisément ce partenariat et ce qu’il implique dans les établissements scolaires ?

Jean-Michel VALANTIN : Le ministère passe des accords-cadres avec de nombreux partenaires, dont l’ADEME, afin de soutenir les actions de formation, nationales, académiques ou locales, la production de ressources pédagogiques, les projets pédagogiques. Un partenariat avec une agence comme l’ADEME est quasi « naturel », car les missions de sensibilisation de l’Agence aux enjeux d’énergie, d’environnement et de développement durable se croisent. Il en est de même pour les agences de l’eau, le Commissariat général au développement durable, les éco-organismes comme éco folio, ou encore EDF ou la SNCF. Avec l’ADEME, nous travaillons à l’évolution des diplômes technologiques et professionnels, aux actions de formations, comme PRAXIBAT, tandis que de nombreux projets se développent au niveau des territoires entre les académies, les directions régionales et d’autres acteurs.

GREEN INNOVATION : Est-il envisageable, à court ou moyen terme, d’enseigner le développement durable comme une matière à part entière dans les collèges et les lycées ?

Jean-Michel VALANTIN : C’est justement le caractère transversal du développement durable qui implique de ne pas « l’isoler » dans une discipline donnée, mais bien d’en irriguer l’ensemble des disciplines ainsi que les actions éducatives, les projets d’écoles et d’établissements, les partenariats, etc. L’EDD doit permettre une ouverture spatiale, par exemple sur les territoires, ainsi que cognitive, aux interdépendances entre les grands enjeux contemporains, et enfin temporelle, sur les emboîtements entre les temporalités courtes, moyennes et la longue durée.

Note :

(1) L’ADEME participe à la mise en œuvre des politiques publiques dans les domaines de l’environnement, de l’énergie et du développement durable. Afin de leur permettre de progresser dans leur démarche environnementale, l’agence met à disposition des pouvoirs publics, des collectivités territoriales, des entreprises et du grand public, ses capacités d’expertise et de conseil.

À propos de l'auteur

Jean-Michel Valantin

Haut fonctionnaire au développement durable du ministère de l’Éducation national, docteur et chercheur en études stratégiques, responsable "environment and security" de The Red (Team) Analysis Society ; auteur de "Géopolitique d'une planète déréglée. Le choc de l'Anthropocène" (Le Seuil, 2017).

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