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Tesla : l’avenir de la voiture électrique est-il californien ?

En 2012, la consommation de pétrole aux États-Unis était de 18,5 millions de barils/jour selon l’OCDE, soit 20,7 % de la consommation mondiale, ce qui en fait les plus gros consommateurs de la planète ainsi que l’un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre (GES). En effet, 40 % de l’or noir qu’ils utilisent sont absorbés par les transports, lesquels représentent 30 % des émissions de GES du pays. Et près de 20 % de ces émissions de GES proviennent des voitures individuelles.

Un constat devant lequel Martin Eberhard n’est pas resté insensible. Cet ingénieur de Palo Alto, soucieux du réchauffement climatique et grand critique de la dépendance énergétique des États-Unis, a en effet décidé de repenser le concept de la voiture électrique. Conscient de la place symbolique qu’occupe l’automobile dans la vie des Américains, il décide alors d’étudier toutes les failles de la voiture électrique pour convaincre enfin les automobilistes que ce véhicule respectueux de l’environnement ne constitue pas un ersatz de la voiture à essence. Après de nombreuses études sur l’efficience énergétique des différents modes de propulsion automobiles, il en déduit que l’électricité est de loin le carburant le plus efficace dans un environnement où le développement des énergies renouvelables (solaire et éolienne notamment) rend possible l’utilisation d’une électricité propre et abondante.

Martin Eberhard met alors sa stratégie en place. Dans un premier temps, il envisage d’améliorer le design et les performances des voitures électriques afin de proposer des voitures de luxe plus désirables pour le consommateur américain. Dans un second temps, au vu du succès de ses premiers modèles, il prévoit de redescendre en gamme en proposant des voitures destinées à un plus large public. Sur le plan technique, il fait le choix de doter ses véhicules électriques de batteries ion-lithium (utilisées notamment pour les téléphones et ordinateurs portables) en raison de leur haute autonomie. Le 1er juillet 2003, la société chargée de développer et commercialiser ses voitures électriques est créée à Palo Alto, en plein cœur de la Silicon Valley en Californie. Elle prend le nom de « Tesla Motors », en hommage au scientifique austro-américain Nikola Tesla auquel ont doit l’invention du courant alternatif. En 2004, Martin Eberhard rencontre Elon Musk, cofondateur de PayPal devenu millionnaire. Il lui propose son plan « 3GEN » : créer une voiture de sport électrique de luxe vendue plus de 100 000 dollars, et la commercialiser à 2 500 exemplaires, puis une grande berline électrique pour les conducteurs de marques premium fabriquée à 20 000 exemplaires pour un prix compris entre 65 000 et 100 000 dollars, et enfin une voiture familiale produite à 100 000 exemplaires et vendue moins de 30 000 dollars. Séduit par ce projet, Elon Musk, qui a vendu ses parts dans PayPal, investit plusieurs millions de dollars dans Tesla Motors, pour en devenir au final le président. Le 4 décembre 2007, le New York Times rapporte que, selon le site de Tesla Motors, son fondateur, Martin Eberhard, « était passé du conseil d’administration et de la direction générale à la commission consultative ». Aujourd’hui, pour des raisons inconnues, Martin Eberhard ne travaille plus pour Tesla Motors.

Des produits inédits pour faire mieux, moins cher et plus vite

Après avoir signé avec Lotus (fabricant de voitures de sport et de compétition) un partenariat technique, Tesla commercialise en 2008 sa première voiture de sport 100 % électrique : la Tesla Roadster zéro émission. Dotée d’une autonomie de 394 km, il s’agit de la première automobile à utiliser une batterie lithium-ion d’une espérance de vie de sept ans et qui se recharge en trois heures et demie à partir d’une batterie vide. La Tesla Roadster fonctionne avec un moteur électrique à courant alternatif et à induction refroidi par air et alimenté par un variateur de fréquence de 375 volts. Elle peut atteindre une vitesse maximum de 201 km/h et passe de 0 à 100 km/h en 3,7 secondes. Du jamais vu dans le petit monde austère de l’automobile électrique. Récemment, l’entreprise a amélioré les caractéristiques de la Roadster afin de rendre la voiture encore plus performante tout en l’adaptant à des climats extrêmes (haute montagne, désert…). Véhicule de luxe sans équivalent sur le marché automobile, la Roadster a été conçue selon un cahier des charges particulièrement élevé : écran sept pouces tactile multifonction, sièges dotés d’un support lombaire adapté pour les longs trajets, matériaux d’isolement acoustique intégrés aux roues afin d’étouffer les bruits de la chaussée, etc. À ce jour, Tesla Motors a vendu 2 600 exemplaires de la Roadster, dépassant ses objectifs de départ.

En 2011, la Tesla Model S est dévoilée et remporte le titre de « voiture verte de l’année » au salon de l’automobile de New York (devant la Renault Zoé et la Volvo plug-in Hybrid). Alors que la crise économique frappe de plein fouet le continent américain, notamment dans le secteur automobile, Tesla continue son ascension grâce aux crédits « zéro émission » accordés par l’État de Californie pour l’acquisition d’un véhicule électrique. La Model S est commercialisée en 2012 aux États-Unis, puis un an plus tard en Europe. Elle propose trois types de batteries (40 kWh, 60 kWh et 85 kWh) qui se rechargent à 50 % de leur capacité en seulement trente minutes. Sa vitesse de pointe atteint 210 km/h, avec 4,4 secondes départ arrêté de 0 à 100 km/h grâce à sa batterie de 85 kWh (lui conférant une autonomie allant jusqu’à 502 km). Plus performante et moins chère que la désormais célèbre Roadster, la Tesla Model S est une voiture familiale visant le marché des classes moyennes supérieures (elle propose notamment une option « enfant » offrant la possibilité d’avoir sept passagers). Dotée des dernières innovations technologiques, elle possède notamment un écran tactile de dix-sept pouces faisant office de véritable centre de contrôle.

Tesla Motors a choisi le salon international de l’automobile de Détroit aux états-Unis pour présenter au public son troisièmemodèle 100 % électrique, le SUV Model X, dont la mise en production est attendue pour 2014. Doté de 7 places grâce à trois rangées de sièges, le Model X partage sa plate-forme avec la berline Model S et sera proposé avec trois choix de motorisations et deux configurations batteries (60 ou 85 kWh) affichant des autonomies respectives de 370 et 480 km.

En accompagnement de la vente de véhicules électriques haut de gamme, Tesla Motors investit également dans le déploiement de stations de recharge. Une trentaine de stations sont déjà installées aux États-Unis et six en Europe. Par delà le rechargement, les stations Tesla devraient également permettre d’échanger sa batterie pour encore plus de rapidité (une minute et trente secondes), afin de répondre à l’une des principales préoccupations des utilisateurs de véhicules électriques.

Les États de l’ouest des États-Unis sont ceux qui profitent actuellement le plus des bornes de recharge Tesla Motors (particulièrement le Nevada et la Californie). Ces bornes fonctionnent principalement à partir de l’énergie solaire produite grâce à des panneaux photovoltaïques installés par l’entreprise SolarCity, principal fournisseur de systèmes d’énergie solaire aux États-Unis (fondée et contrôlée par Elon Musk). Ces bornes, appelées « Supercharger » sont les stations de recharge électrique les plus rapides au monde (près de vingt fois plus rapides que les stations publiques). D’un coût unitaire de 500 000 dollars, elles devraient voir leur nombre tripler dans les prochains mois aux États-Unis, en privilégiant les aires métropolitaines. L’objectif de Tesla Motors : permettre à ses clients la traversée des États-Unis d’est en ouest sans se préoccuper d’une éventuelle panne d’énergie. Tesla prévoit en outre d’étendre son marché au Canada et en Europe, et envisage l’ouverture de concessions et de centres de services en Allemagne, en Islande, en Suisse, aux Pays-Bas, au Luxembourg, au Danemark et en France. Des installations de bornes « Supercharger » sont également prévues dans ces pays pour inciter les longs trajets en Europe de l’Ouest. Tesla propose un périmètre de 340 km entre le lieu de l’utilisateur et la borne de recharge. Il prévoit le déploiement des « Superchargers » en France d’ici la fin 2014. Tesla devrait bientôt annoncer une adresse à Paris et dans le Sud du pays.

Tesla à la conquête de nouveaux marchés

Tout semble réussir à ce génie de l’automobile « zéro émission ». Pourtant, un accident de la Model S haut de gamme (Model S performance plus) le 2 octobre 2013 à proximité de Seattle, dans le nord des États-Unis, a suffi à faire chuter de près de 10 % la capitalisation boursière de Tesla Motors, et cela en moins de quarante-huit heures. Une perte de trois milliards de dollars qui illustre l’extrême volatilité de ce nouveau marché aux yeux des investisseurs, qui restent encore sceptiques quant à l’émergence d’un véritable marché de l’automobile électrique. Selon Elon Musk, cet incident aurait été provoqué par un objet métallique au sol qui aurait endommagé la partie avant du véhicule. Le propriétaire de Tesla Motors précise toutefois que le système d’alerte de la voiture a bien fonctionné lors du choc et a permis au conducteur de sortir sans aucune blessure de cet accident (l’incendie ayant épargné l’habitacle). Et d’ajouter, pour rassurer ses clients, qu’« il ne devrait y avoir aucun doute sur le fait qu’une voiture avec une batterie est moins dangereuse qu’une voiture contenant un réservoir rempli d’un liquide hautement inflammable ». Une affirmation qui n’a cependant pas convaincu tous les commentateurs.

En dépit de cet accident, le chiffre d’affaires de Tesla Motors continue de croître. Il était de 413 millions de dollars en 2012 et devrait atteindre 2,2 milliards pour 2013, selon les estimations du constructeur. Une forte hausse qui s’est accompagnée de l’envolée de l’action Tesla Motors (+ 434 % en un an). Avec à la clé une capitalisation boursière dépassant de grandes marques historiques de l’automobile telles que Fiat et Peugeot-Citroën.

Illustration : Tesla Model S (© Tesla)

[tabs slidertype=“top tabs”] [tabcontainer] [tabtext]FOCUS : La voiture électrique, une « vieille » innovation ?[/tabtext] [/tabcontainer] [tabcontent] [tab]Le premier modèle de voiture électrique fut présenté en 1881 par Gustave Trouvé, ingénieur de génie, lors de l’Exposition internationale d’électricité de Paris. Trois modes de propulsion existaient à cette époque : le moteur à essence Diesel, le moteur électrique et le moteur à vapeur. Après un court succès de la voiture électrique en Europe et aux États-Unis, la voiture à moteur à combustible interne s’est finalement imposée comme étant la voiture la plus autonome et la plus rapide à ravitailler contrairement à la voiture électrique qui nécessitait une nuit de recharge et ne disposait que d’une autonomie d’une cinquantaine de kilomètres avec une vitesse ne dépassant pas les 30 km/h.[/tab] [/tabcontent] [/tabs]

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