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Le marché des voitures électriques

Le parc automobile mondial a récemment franchi le cap symbolique du milliard de voitures. D’ici 2035, le nombre d’automobiles dans le monde pourrait augmenter de 70 %, atteignant 1,7 milliard de véhicules. Or, l’ensemble des voitures et camions roulant sur la planète consomme aujourd’hui 2 milliards de tonnes de pétrole par an (presque la moitié de la production mondiale de brut) et émet chaque année 2 milliards de tonnes de CO2. Une situation que ne manquera pas d’empirer durant les 20 prochaines années.

Face à cette situation, les arguments en faveur des véhicules électriques ne manquent pas. Reste qu’il est encore peu fréquent de croiser la route d’une voiture électrique, hors Paris où l’Autolib’ a réussi en quelques mois à trouver son public. Si les coûts élevés de production, les prix de vente, et l’absence d’infrastructures de chargement restent les principaux obstacles au décollage du marché de la voiture électrique en France et dans le monde, l’avenir semble pourtant du côté de ce nouveau mode de locomotion. Une meilleure autonomie, des tarifs plus conformes au marché des particuliers et le développement d’une prise de conscience écologique au sein de la population devraient en effet assurer le succès de la voiture électrique dont, on l’oublie trop souvent, les premières versions ont été élaborées aux alentours de 1830.

Le marché français des voitures électriques

En 2012, même si le marché automobile français a connu une baisse des ventes de près de 14 %, celui de véhicules électriques a décuplé avec 5 663 voitures particulières et 3 651 véhicules utilitaires vendus, soit 0,4 % des 2,3 millions de nouvelles immatriculations françaises en 2012. Les statistiques restent faibles, mais le marché évolue.

En 2010, l’objectif du plan d’action national du ministère français de l’Écologie, de l’Énergie du Développement durable et de la Mer était la mise en circulation de 450 000 véhicules électriques avant 2015. Un chiffre qui pourrait atteindre 2 millions de véhicules électriques en 2020.

Depuis peu, les ventes en France sont favorisées par l’augmentation significative du bonus écologique. Les acheteurs de voitures électriques bénéficient en effet d’une aide publique portée à 7 000 euros en janvier 2013. Quant aux acquéreurs de véhicules hybrides, ils perçoivent désormais une prime de 4 000 euros.

L’avenir de la voiture électrique reste en effet prometteur même si le soutien du gouvernement français apparaît aujourd’hui encore indispensable. À ce jour, 28 modèles d’automobiles hybrides et 15 modèles électriques sont disponibles à la vente en France, auxquels s’ajoutent deux autres véhicules hybrides dont le moteur électrique est rechargeable sur secteur. Sur la liste des voitures électriques les plus vendues en France en 2012, les plus populaires sont le tandem Ion/C‑Zéro (fabriqué au Japon par Mitsubishi pour PSA Peugeot Citroën) et la BlueCar du groupe Bolloré. Ils sont suivis par la Leaf de Nissan. Dans le domaine des véhicules utilitaires, c’est Renault qui se classe premier avec son Kengoo ZE.

Tandis qu’Opel renonce à la production d’une version électrique de sa citadine Adam et Audi à la série sportive R8 e‑tron, l’alliance Renault-Nissan commercialise la Zoé, quatrième voiture électrique du constructeur. Présentée dans sa version définitive au salon de Genève 2012, la Zoé a l’ambition de s’imposer comme une voiture électrique accessible au plus grand nombre, grâce à un prix abordable. Le véhicule est proposé à partir de 13 700 euros, avec un tarif de location de la batterie fixé à 79 euros par mois.

Selon Carlos Ghosn, le très médiatique patron de Renault-Nissan, les véhicules électriques représenteront 10 % du marché mondial de l’automobile dans dix ans. En attendant, c’est l’un de ses principaux concurrents, le groupe Bolloré et sa BlueCar, qui domine le marché français de l’automobile électrique. Commercialisée depuis février 2013 pour un prix de 12 000 euros, la BlueCar est le fer de lance du groupe français qui espère en écouler chaque année quelques milliers d’exemplaires, en plus des véhicules fournis à Autolib’. Comptant 63 000 abonnés depuis son lancement le 5 décembre 2011, ce service urbain de location de véhicules électriques n’a pas encore atteint son seuil de rentabilité (prévu en 2014). Mais le concept semble avoir séduit nombre de Parisiens et devrait prochainement s’exporter à Lyon (avec 130 BlueCar d’ici fin 2013, et 250 fin 2014) et Bordeaux.

Basé à Cerizay dans les Deux-Sèvres, un autre constructeur de véhicules électriques français attend son heure de gloire et rêve de trouver sa place parmi les futurs « grands » de l’automobile électrique. La société Mia Electric propose en effet, via ses petits véhicules modulables à moins de 12 000 euros, une mobilité sans émissions de CO2, économique et accessible au plus grand nombre afin de répondre aux réalités des déplacements urbains et périurbains ainsi qu’à la hausse du coût du pétrole. Ce type de véhicule augure un nouveau marché de l’automobile électrique où les modèles proposés par les constructeurs seront de moins en moins chers. Cette baisse des coûts passe par un accroissement sensible des commandes et l’émergence d’un véritable marché planétaire.

Le marché automobile électrique chinois

La Chine, premier marché automobile mondial, et dont les grandes villes apparaissent de plus en plus gravement touchées par la pollution atmosphérique liée à l’accroissement du parc automobile, constitue un marché naturel. Dans un pays qui compte 16 des 20 villes les plus polluées au monde, l’importance de véhicules électriques s’annonce en effet vitale. À ce titre, la ville de Shanghai vient de mettre en place un nouveau plan destiné à accélérer le déploiement des bornes de recharge pour véhicules électriques sur son territoire. Et d’après des projections sur le potentiel économique de la Chine et des États-Unis dans ce secteur, d’ici 2020 le nombre total de véhicules électriques en circulation dans ces deux pays devrait dépasser 6 millions d’unités. Un marché considérable et une bonne raison pour l’Europe de se positionner solidement sur un marché mondial en plein essor comme l’estime Siim Kallas, vice-président de la Commission européenne en charge des Transports. Des perspectives partagées par Carlos Ghosn, pour qui un constructeur automobile ne pourra pas s’installer durablement sur le marché chinois sans une gamme de véhicules électriques et hybrides. Renault-Nissan prévoit ainsi de développer des véhicules électriques en Chine dès 2015, avec des partenaires locaux comme Dongfeng. De plus, les voitures électriques intéressent de plus en plus les entreprises chinoises qui n’hésitent pas à consentir à de lourds investissements en ce domaine. Geely Automobile, Dongfeng Motors et quelques autres constructeurs chinois comptent parmi les repreneurs potentiels de Fisker, le fabricant américain du véhicule électrique Karma. Un autre constructeur chinois, BYD, annonce le lancement d’un nouveau modèle, la Denza, courant de l’année  2013 en partenariat avec Daimler. Par ailleurs, un autre groupe automobile chinois, Wanxiang, a obtenu un accord du gouvernement américain pour racheter un fabricant de batteries en faillite, A123 Systems, en situation de dépôt de bilan, pour la somme de 256 millions de dollars.

Le marché automobile électrique américain

Aux États-Unis, pays de l’automobile et des autoroutes à perte de vue, le marché des voitures électriques peine à décoller. Après la faillite de plusieurs constructeurs, très peu d’experts estiment que l’objectif du président Obama d’atteindre un parc automobile électrique d’un million de véhicules en 2015 puisse se réaliser. Après Fisker et A123, Coda Automotive, une des plus prometteuses jeunes entreprises sur le marché, a déposé le bilan en mai dernier. Toyota et Honda baissent, eux aussi, leurs prétentions pour le marché américain, de même que Chrysler qui perdrait quelque 10 000 dollars sur chacune de ses Fiat 500 électriques commercialisées en Californie.

Les études publiées par l’Académie nationale des sciences des États-Unis prouvent que les raisons de ce manque de popularité sont toujours les mêmes. Le nombre de stations de chargement reste faible, l’autonomie des voitures laisse toujours à désirer et les prix demeurent trop élevés. Et ce, alors même que les voitures à essence évoluent et consomment toujours moins de carburant.

Malgré tout, quelques constructeurs ont décidé de ne pas baisser les bras. Chevrolet essaye d’élaborer une version moins chère de son modèle électrique Volt (commercialisé en Europe par Opel sous le nom d’Ampera). Et le premier trimestre 2013 s’est soldé par les premiers bénéfices pour l’Américain Tesla Motors dont les revenus ont augmenté de 83 % par rapport au trimestre précédent. La Tesla Model S, avec un design sportif réussi et une technologie 100 % électrique, s’est vue attribuer le titre de la voiture verte de l’année 2013 au Salon de l’automobile de New York. Le prix (entre 64 760 euros pour l’entrée de gamme et 102 700 euros pour le modèle haut de gamme) reste le point faible de cette voiture qui demeure largement plus chère que les deux autres finalistes du concours, la Zoé de Renault et la Volvo plug-in hybrid. Tesla, qui inaugure un nouveau système de recharge électrique ultra-rapide (en 90 secondes, par remplacement de la batterie via des stations automatiques en cours d’installation sur les premières autoroutes californiennes) pourrait bien incarner l’un des visages de l’avenir de l’automobile électrique : des véhicules performants, à la pointe de l’innovation, assumant une image haut de gamme et visant les catégories socioprofessionnelles les plus aisées.

Le marché stratégique des stations de recharge

L’exemple de Tesla démontre l’importance cruciale d’un accès facilité à des bornes de rechargement, seul moyen de véritablement démocratiser l’utilisation des véhicules électriques. La Commission européenne a pris conscience de cette réalité : après avoir chiffré le nombre de chargeurs électriques à installer dans chaque pays, Bruxelles estime que le projet de développement du réseau de bornes coûtera 8 milliards d’euros au total. Pour réaliser cet objectif, un nombre minimum de bornes sera imposé à chaque État membre. Ainsi, la Suède devrait passer de zéro borne en 2011 à 14 000 points de charge d’ici 2020. En 2012, l’Allemagne comptait 1 937 bornes. Elle était suivie des Pays-Bas (1 700) et de la France (1 600). En dix mois, la France a plus que triplé le nombre de prises de recharge ouvertes au public, avec plus de 6 000 bornes de charge, un chiffre qui devrait attendre 8 000 d’ici la fin 2013. À Londres, le réseau d’infrastructure de charge, Source London, dispose déjà de 1 300 points de charge installés.

D’ici 2020, la France, qui devrait atteindre la mise en circulation de deux millions de voitures électriques, bénéficiera de 97 000 points de recharge ouverts au public selon les prévisions du gouvernement. Plus de 450 millions d’euros vont ainsi être investis dans le développement de l’infrastructure de charge. Les bornes seront installées dans 25 des plus grandes zones urbaines françaises d’ici à 2014. Le ministère français de l’Économie et des Finance envisage par ailleurs la création d’un opérateur national, qui sous la forme d’une délégation de service public ou d’un partenariat public-privé, installera les bornes de recharge rapide sur l’ensemble du territoire.

Après la question du maillage du territoire européen, Bruxelles se penche sur celle des prises : du fait des différentes normes de bornes d’un pays à l’autre, les automobilistes ne pourront pas faire le tour de l’Europe en voiture électrique. C’est pourquoi la Commission européenne propose d’uniformiser les prises de recharge en mettant en place des normes communes d’ici à fin 2015. Le système de chargement élaboré devra être le même pour les voitures, scooters et bicyclettes électriques. Une solution qui risque de ne pas plaire à ceux qui ont bien avancé dans le développement de leurs propres infrastructures. Les filières françaises et anglaises, qui n’avaient pas opté pour le type 2 de prise adopté par la Commission, auront assez de temps pour changer leurs prises existantes, rassure Bruxelles. Les fabricants français, devenus références sur le marché comme Schneider et Legrand, DBT, Hager et SaintrOnic, devront ainsi s’adapter.

À l’heure actuelle, les chargeurs les plus rapides sont ceux qui parviennent à une recharge complète entre 10 et 20 minutes. Le modèle de borne PULSE 50 recharge ainsi en 20 minutes et offre en 5 minutes de charge 20 km d’autonomie supplémentaire. Pour les bornes électriques de Renault-Nissan, le temps de charge annoncé est de 10 minutes, tandis que les bornes classiques nécessitent plusieurs heures.

L’offre des fabricants de chargeurs se diversifie, non seulement par la durée de charge, mais aussi par la provenance de l’énergie. Ainsi, les arbres photovoltaïques SunTree de la start-up aixoise Solarquest proposent de recharger simultanément six véhicules électriques en utilisant l’énergie solaire. Les premiers exemplaires de ces bornes nouvelle génération qui combinent un abri pour voitures, un système de recharge solaire et un système d’éclairage urbain ont été présentés en 2011 dans la commune de Venelles (Bouches-du-Rhône). La firme bourguignonne O’SiToiT propose pour sa part des panneaux photovoltaïques intégrés sur la toiture de sa Station-Service Solaire. Celle-ci produit l’électricité qui sera ensuite utilisée pour recharger les véhicules électriques. Chaque place de stationnement génère suffisamment d’énergie électrique pour parcourir 20 000 km en voiture électrique par an. D’autres fabricants français, comme Schneider Electric ou SOBEM-SCAME, travaillent sur des gammes de bornes destinées davantage aux parkings de bureaux et de centres commerciaux.

En Chine, après la mise en place d’un nouveau plan d’action pour l’accélération et le développement des stations de recharge sur le territoire national, une nouvelle entreprise va être entièrement dédiée à la fabrication de bornes électriques. Elle bénéficiera d’un soutien de l’État chinois à hauteur de 30 % de ses investissements. Les bornes installées dans les parkings et les résidences seront en expérimentation jusqu’à la fin 2014, avec une utilisation gratuite.

Même si les obstacles que le véhicule de demain doit franchir restent nombreux, le marché de la voiture électrique s’accroît. Il y a un siècle, le développement de la motorisation électrique a échoué car le moteur thermique s’est révélé plus performant. Aujourd’hui, les performances des dernières générations de véhicules électriques égalent celles des moteurs thermiques, bien que les coûts de production demeurent encore élevés pour une autonomie qui reste toujours limitée. Pendant que les constructeurs automobiles et les pouvoirs publics s’impliquent fortement dans la lutte pour le changement électrique, l’évolution du parc automobile alimente les débats sur l’importance de l’origine de l’électricité. Si le réseau français « Sortir du nucléaire » rappelle les inconvénients de l’énergie nucléaire (déchets radioactifs, risques d’accident…), d’autres critiquent les pays où l’électricité est principalement produite par des centrales à charbon très polluantes, comme en Allemagne. Un débat qui montre une fois de plus que le développement du marché des véhicules électriques ne laisse personne indifférent.

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